Les expositions universelles font couler beaucoup d'encre sur les réseaux sociaux.

Les commentaires vont bon train:

"C'est impossible qu'au XIXe siècle qu'avec une brouette, une pioche et marteau ils ont pu construire de tels bâtiments".
"Aussitôt construit, aussitôt démoli"  
" Quel gâchis, ces édifices magnifiques, démontés après l'exposition" etc...

Je dois reconnaître que moi le premier, j'ai été révolté devant ces magnifiques palais détruits et sceptique sur l'accomplissement de tels constructions.

J'ai consulté un nombre incalculable de livres et de journaux de l'époque principalement de la fin du XIXe siècle avec l'arrivée de la photographie et j'ai trouvé réponse à mes questions.

 

LA PREMIERE PARTIE EST CONSACRE AUX EDIFICES PERMANENTS
Construction du Petit et Grand Palais

LA DEUXIEME PARTIE AUX BÂTIMENTS EPHEMERES
Pour tous ces édifices somptueux palais, pavillons, bâtiments en tout genre avec des façades en pierre de taille. Mais ces constructions éphémères sont dans la plus part des cas maquillaient de bois recouvert de plâtre ou  de staff. Ce qui en soi est rassurant sachant qu'elles disparaissent après les expositions.

 

 

QUELLE EST LA DIFFERENCE ENTRE UNE CONSTRUCTION AU XIXe SIECLE ET MAINTENANT?

Les prouesses architecturales étaient attribuées à l'homme alors que maintenant c'est la machine.
Les architectes et les ingénieurs étaient des génies, les ouvriers étaient beaucoup plus performants que maintenant, mais l'envers du décor, c'était dans des conditions de pénibilité extrême avec de très mauvais salaires et avec un seul jour de repos. Avec le syndicalisme et le droit de grève ce fut une période de lutte acharné du prolétariat  pour avoir de quoi nourrir sa famille.
Gustave Eiffel a eu droit à des grèves pour la construction de sa tour, et toutes les expositions universelles ont été entachées de conflit avec les ouvriers.

La machine à vapeur
Les moteurs électriques ne sont arrivés qu'à la fin du siècle mais la machine à vapeur était utilisée depuis une centaine d'années déjà.

 

Un peu d'histoire sur la machine à vapeur.
En 1679,  Denis Papin étudie la pression des gaz avec une sorte de cocotte minute.
En 1712, l'anglais Thomas Newcomen met au point la première machine à vapeur.
Mais c'est en 1885, que l'anglais James Watt utilisa la pression de la vapeur pour améliorer le fonctionnement de la machine

Autant dire que toute sorte de machines existaient pour les travaux difficiles. Grues, ponts roulants. scieuses, raboteuses, perceuses, cintreuses, riveteuses...

 

Le chemin de fer

Avant l'arrivée de l'automobiles  le transport s'effectuait par le chemin de fer.
Pour toutes les expositions universelles des stations de chemins de fer se trouvaient en périphérie du parc pour les visiteurs et pour l'acheminement du matériel au début et à la fin de l'événement.  Et des tronçons de rails étaient posés rapidement au plus près  des bâtiments pour gagner du temps et ménager les efforts.

Image insolite. Expo Paris de 1900. Les visiteurs sur le champ de mars. Pour toutes les expositions les 1ères semaines et parfois plus,   les exposants étaient rarement en place et les travaux rarement finis.

Hiver 1899-1900. Les wagons sous la tour Eiffel

 

L'exemple qui suit ne concerne pas la majorité des bâtiments construits pour l'exposition sachant que la plupart était voué à la destruction.

 

 

LA CONSTRUCTION  DU PETIT ET GRAND PALAIS POUR L'EXPO DE 1900.

Certes nous sommes à la fin du siècle mais les machines à vapeur étaient toujours là et ont permis aux ouvriers de réaliser un travail titanesque et nous héritons aujourd'hui de deux édifices d'une architecture hors du commun.
Les images qui suivent témoignent d'une méthodologie et une intelligence sans faille pour la construction de deux palais construits en 3 ans.
Sans oublier qu'à cet endroit se trouvait le palais de l'industrie construit pour l'exposition universelle de 1855. 
Pour les deux palais le budget de dépenses était de 21 millions .

Les pierres et le fer arrivait par la Seine et étaient acheminés par rail jusqu'au chantier

"Afin de gêner le moins possible les voies de la capitale par le roulage des grosses voitures apportant sur les chantiers les matériaux de construction, il a été entendu, dès les premiers jours, que la manutention des pierres et fers se ferait autant que possible par la Seine. A cet effet, on a établi contre le pont des Invalides, sur la rive droite de la Seine, un quai provisoire en bois sur lequel les entrepreneurs pouvaient venir déposer les matériaux nécessaires à leurs constructions. Dans le but de leur faciliter les transports jusqu'à pied d’œuvre, M. Picard* a fait construire sous le quai de la Conférence une tranchée couverte reliant directement ce quai aux chantiers des Champs-Élysées; de cette façon, la majeure partie des pierres et autres objets nécessaires à l’élévation des palais n’avait pas à passer sur les voies publiques. "   Extrait du livre Les travaux de  l'exposition de 1900 de A Da. Cunha Alfred Picard (1844-1913) Ingénieur. Commissaire général de l'exposition de 1900

Vue de l'entrée du tunnel souterrain reliant le ponton sur la Seine au chantier

Le pont roulant de 10 tonnes

Grue à pylône de 40m de haut

Pour les lourdes charges, une grue de 10 tonnes se trouvait sur le quai de déchargement de la Seine, un pont roulant ainsi que 5 grues réparties sur le chantier.

 

"La quantité de pierres qu’il fallait débiter et mettre en place rien que pour la partie antérieure du Grand Palais est évaluée à 17 000 mètres cubes, soit 40 000 tonnes à manier. Sans compter 10 000 mètres cubes de maçonnerie en moellons, et 2 millions de briques."
 Extrait du livre Les travaux de  l'exposition de 1900 de A Da. Cunha

Les pierres provenaient de plusieurs carrières.

    Carrières de Euville. Meuse

La scie diamantée à vapeur "Le travail de cette dernière machine est considérable : elle est capable de fournir une surface coupée de 7 m2 ,20 en quinze minutes , tandis que pour arriver au même résultat avec une scie à main, il faudrait trois journées de tailleurs de pierres. Une scie oscillante, également mue par la vapeur, était plus spécialement réservée au coupage des pierres tendres. La pierre, une fois débitée, était reprise une troisième fois par le pont roulant qui la chargeait sur les wagonnets; ceux ci devaient alors la portera pied d’œuvre où se trouvaient des appareils de levage en nombre suffisant." Extrait du livre Les travaux de  l'exposition de 1900 de A Da. Cunha

Pilotis sous le Grand Palais

Une sonnette à vapeur (Servait à enfoncer des pieux ou pilotis pour les fondations

 

Un peu d'histoire sur le béton armé
Le mortier existe depuis bien longtemps, les romains utilisaient de la chaux vive comme liant.
Aujourd'hui le ciment est fabriqué avec du calcaire, de l'argile et du gypse
A la fin du XVIIIe siècle, le fer et le mortier est apparu sur les chantiers mais utilisé séparément. 
En 1845, le français Joseph-Louis Lambot teste le mariage du fer dans le mortier et en 1879, François Hennebique, français également coula la première dalle de  béton armé.

Le béton armé a été utilisé dans plusieurs bâtiment de l'exposition de 1900 notamment sur les planchers

 

Avancement des travaux du Grand Palais en octobre 1898

Echafaudages pour la coupole centrale

Hall du Grand palais. Echafaudages pour les fermes

Echafaudage roulant pour la pose des galeries latérales

 

Façade avec la mise en place des colonnes

Juillet 1898. Montage des colonnes

intérieur 

Fermes arbalétriers et une ferme de noue

Echafaudage intérieur pour la pose des fermes Appareil pour le montage des fermes

Octobre 1898. Sous Sol du Grand Palais

Sous Sol du Petit Palais

 

 

 

 

Le Grand Palais

le Grand Palais à Mrs Deglane, Thomas et Louvet

La nef du grand Palais fait 200m de long sur 40m de large su 43m de hauteur  Superficie de 24 000m2
A l'extérieur, la colonnade de 240m avait une longueur de 240m sur 20m de haut

Le grand Palais accueillait les Beaux-Arts

 

 

 

 

 

Plan des exposants sur les 2 niveaux

 

 

Le Petit Palais

Le Petit Palais  était l'oeuvre de M Girault

Superficie de 7 000m2

Le Petit Palais accueillait la rétrospective de l'art français.

Plan des exposants 

 

 

 AUTRES CHANTIERS A L'EXPOSITION DE 1900

Echafaudage roulant	Des wagons sur le Champ de Mars en travaux les premières semaines après l'ouverture
Grue roulante au Champ de Mars	Pose de dalles. Gare Ouest aux Invalides

Pilotis sur la Seine. La moitié des 6 000m2 du Vieux Paris empiétés sur la Seine.

Scaphandrier sous la plateforme du Vieux Paris

Montage à la moufle avec plusieurs câbles

Montage de la grande roue

Grande grue à bras mobile

 

LES CONSTRUCTIONS EPHEMERES

Le fer et le bois étaient largement  utilisés pour l'armature surtout pour les grands édifices mais pour les habillages, décorations  ont utilisé  le staff, mélange de plâtre et de fibre.

 

Extrait du Livre The book of the fair  V1 Hubert Howe Bancroft  Chicago 1893   page 65

"Pour la charpente de bâtiments immenses, bien que temporaires, doit bien entendu être largement utilisée en fer et en bois ; mais pour les habillages, décorations murales et autres travaux ornementaux et accessoires, il faut trouver une substance qui
serait à la fois peu coûteux, en plastique et durable. Toutes ces qualités étaient réunies dans une combinaison de plâtre
de Paris avec du jute ou une autre fibre, ressemblant à un stuc et communément appelé bâton, facilement fabriqué
et manipulé, facilement moulé et coloré, et tel qu'il a permis aux architectes de compléter leurs conceptions à petit
coût, tout en donnant à leurs structures toute la stabilité requise."

 

 

Exemple de construction en staff. Le palais du génie civile au champ de Mars

Façade pendant la pose en staff

L'ornementation en staff, avant la pose

Extrait du livre L'expo de Paris 1900 . Encyclopédie du siècle T2 page 158

Ce bois a été habillé de métal déployé, c’est à dire d’une tôle mince, percée à la machine  d’ajours losangés, et qu’on étire au laminoir de façon que la feuille de tôle, en sortant des cylindres compresseurs, ressemble à une toile métallique, dont les mailles sont réduites. Cette tôle très souple, se cloue, avec des pointes doubles, sur les bois de soutien. Les maçons jettent leur plâtre qui grippe sur le métal, et qui, sous une minime épaisseur, forme parement ou moulure. Le métal déployé a remplacé les lattes et les clous à bateaux, autrefois employés pour le même usage, et qui, exigeant une grande quantité déplâtré, coûtaient plus cher que le nouveau procédé.

Les parties ornementées de la façade sont en staff, c’est-à-dire, en plâtre, doublé de filasse. Lorsque le moule en creux est enduit d'une mince couche de plâtre, on appuie, sur ce substratum, une couche continue de filasse de chanvre, que l’on incorpore dans la matière humide encore, et que l’on noie sous une deuxième couche de plâtre gâché clair. Comme avec le métal déployé, on obtient des épaisseurs minimes, et cependant très résistantes. Les objets ainsi moulés sont peu pesants, et c’est avec un certain étonnement, que l’on voit un homme manier des pièces, dont l’apparence inspire à l’esprit une idée de lourdeur. Les galeries de la façade du Palais du Génie civil avaient été transformées en magasins de staff. Là, on avait amoncelé les colonnes de la frise, les grands écussons du couronnement, et les menus détails des chapiteaux, des bases, qui séchaient ainsi de compagnie, sous cet abri. L’ensemble formait un tableau si pittoresque, que nous avons tenu à en conserver le souvenir.

Pose de la décoration en staff

 

Extrait du livre  Paris Exposition 1900 Guide pratique du visiteur Hachette page 216

L'exposition de 1900 est la revanche, le triomphe de la pierre, ou si l'on préfère, de l'aspect de la pierre, puisque le plus souvent c'est le plâtre qui en offre l'apparence. En 1869, c'était la force, c'était le fer qui dominait. Aujourd'hui c'est la pierre
alliée au stuc, — c'est aussi la puissance, mais c'est surtout la grâce.

 

Commentaires dans le livre 'L'exposition du siècle" de A. Quantin
L'auteur fait un comparatif entre le Petit et Grand Palais en pierre de taille et les bâtiments de l'esplanade des Invalides à l'exposition de 1900